Saint-Saëns et l’Orchestre d’Harmonie [Centenaire 2021]
Représentation de l’opéra « Parysatis » (1903) aux Arènes de Béziers.
On aperçoit les chapeaux de la Lyre Bittéroise, ainsi que les képis de la Musique du 2e Génie…
Représentation de l’opéra « Déjanire » (1898) aux Arènes de Béziers.
On aperçoit un saxophoniste de la Musique du 2e Génie
John Philip Sousa et Camille Saint-Saëns (1915)
Note de Sousa à Saint-Saëns laissée à son attention à l’hôtel où les compositeurs séjournaient… © Ville de Dieppe
« San Francisco, 20 juin 1915
Cher Monsieur Saint-Saëns
Permettez-moi de vous présenter mes félicitations les plus sincères pour le grand succès que vous avez obtenu hier soir.
La démonstration d’enthousiasme en votre honneur a prouvé combien vous êtes cher au cœur des Américains, à la fois comme homme et comme musicien.
Avec l’assurance de ma plus parfaite considération, croyez-moi
Très sincèrement vôtre
John Philip Sousa »
Manuscrit du « Paso Doble » (1894) écrit pour Las Palmas (Iles Canaries),
orchestré par Ossavarry © Ville de Dieppe
Centenaire 2021
Désiré Dondeyne naissait, Camille Saint-Saëns disparaissait… Nous n’avons pas oublié le compositeur célèbre pour sa Danse Macabre ou son Carnaval des Animaux, qui portait un intérêt particulier pour les orchestres d’harmonie et musiques militaires. Au Musée des Instruments à Vent de La Couture-Boussey, en collaboration avec l’IReMus, les musicologues Fabien Guilloux et Emanuele Marconi ont réalisé une belle exposition sur Saint-Saëns et les instruments à vent. Fabien Guilloux travaille également avec l’orchestre La Sirène de Paris et Maxime Aulio pour reconstituer quelques œuvres rares, notamment « Hail California! » et un « Paso Doble » qui semblait définitivement perdu…
Un souffle de modernité ! Camille Saint-Saëns et les instruments à vent, tel est l’intitulé de ce travail réalisé par une équipe de spécialistes sous la direction de Fabien Guilloux (IReMus) et d’Emanuele Marconi (Musée des Instruments à Vent), réunis à l’occasion d’une exposition à La Couture-Boussey : des instruments, des manuscrits et partitions, des documents et objets historiques, ainsi qu’une publication, catalogue de l’exposition, dont vous pouvez retrouver les références – et même en lire des extraits – dans notre bibliographie.
Outre la célèbre marche « Orient et Occident » (1869) qu’il a lui-même orchestrée, nous pourrions évoquer ses opéras créés aux Arènes de Béziers, qui incluaient la participation de la Lyre Bittéroise et des musiques militaires environnantes dont la Musique du 2e Génie dirigée par Charles Eustace, qui réalisa nombre orchestrations pour harmonie pour Saint-Saëns : « Déjanire » (1898) et « Parysatis » (1902) ; les Arènes de Béziers ayant vu d’autres grands opéras incluant des orchestres d’harmonie et musiques militaires entre 1898 et 1924, notamment « Prométhée » de G. Fauré ou encore « Héliogabale » de D. de Séverac.
Notons également « Sur les bords du Nil » (1906) orchestré par G. Parès alors chef de la Garde Républicaine, « Pas Redoublé » (1887) orchestré par A. Josneau pour une première avec la Garde Républicaine en 1900, les musiques de scène de « Henri VIII » (1883) orchestrées par Adolphe Sax qui conduisait encore à cette époque la fanfare de scène de l’Opéra… un « Paso Doble » (1894) écrit pour la Sociedad Filarmónica de Las Palmas, aux Iles Canaries où séjournait parfois Saint-Saëns (lettre), et orchestré par le chef de cette harmonie, S.T. Ossavarry ; la partition était considérée comme perdue, le musicologue Fabien Guilloux a récemment retrouvé le manuscrit de l’orchestration originale d’Ossavary à Dieppe et sera spécialement « recréé » lors des concerts prochainement donnés par l’orchestre La Sirène de Paris !
Citons encore « Hymne Franco-Espagnol » (1900) orchestré par Eustace, « Hail California! » (1915) composé pour l’inauguration du Canal de Panama durant la Panama-Pacific International Exposition à San Francisco – l’extrait de la partition orchestré pour harmonie fut créé par John Philip Sousa et son Sousa Band, ce dernier ayant également écrit une marche pour cette inauguration, « The Pathfinder of Panama » dont on trouve une orchestration moderne reconstituée par l’US Marine Band que cet orchestre met à disposition librement. La Sirène interprétera ces 2 œuvres liées, incluant les extraits originaux pour orgue de « Hail California! » ; La Sirène reprendra également « Vers la Victoire » (1917) dont Saint-Saëns souhaitait une orchestration pour musique militaire qui ne fut réalisée qu’en 1976 par Désiré Dondeyne (enregistrée la même année) ! Citons encore la « Marche Interalliée » (1918) orchestrée par G. Balay, successeur de G. Parès à la Garde Républicaine (enregistrement par la Musique des Gardiens de la Paix et Désiré Dondeyne), et la « Marche Héroïque » (1870-71) orchestrée par le chef de musique militaire E. Mastio, une des rares œuvres françaises de l’après Sedan-Bazeilles (enregistrement par la Musique des Troupes de Marine de circonstance alors !) et d’après Commune de Paris, qui fut interprétée aux funérailles nationales du maître en 1921…
En effet, Saint-Saëns confie volontiers l’orchestration de ses œuvres destinées aux musiques militaires, aux chefs de ces formations, et avait confessé (tout comme Fauré à la même époque) ne pas savoir orchestrer pour celles-ci. Il écrit en 1886 à son éditeur Durand : « Voici l’anniversaire de Victor Hugo qui approche et l’Hymne [funèbre] n’est toujours pas arrangé pour musique militaire. Ne pourriez-vous faire une démarche auprès de Wettge [chef de la Garde Républicaine jusqu’en 1892, auteur du célèbre Défilé de la Garde Républicaine] ? Cet hymne sur les marches du Panthéon avec des orphéonistes, ce serait vraiment beau ? » (Yves Gérard, Saint-Saëns, regards sur mes contemporains, Paris, ed. Coutaz, 1990, p. 8).
Retrouvez un article passionnant – « Saint-Saëns and the Wind Band » (pages 20-28), du musicologue Francis Pieters, écrit pour le journal de la WASBE en 2010.
La Sirène de Paris et Saint-Saëns seront en concert les 28 novembre 2021 (16h) à l’église de La Madeleine, et le 12 décembre 2021 (16h) à l’église de Saint-Germain-des-Prés.
*** Notez également ce colloque international organisé par l’IReMus avec la BNF et Sorbonne-Université, à Paris du 6 au 8 octobre 2021 : Saint-Saëns, d’un siècle à l’autre, héritage-réception-interprétation.
*** Le dossier « Musiques de la Grande Guerre » (document PDF disponible sur notre site) réalisé par Patrick Péronnet, compte quelques pages (36 à 45), « un cycle Saint-Saëns« , qui vous intéresseront également !
*** Signalons également : « Camille Saint-Saëns et le politique de 1870 à 1921, le drapeau et la lyre » de Stéphane Leteuré, musicologue spécialiste du compositeur (Paris, Librairie philosophique Vrin, 2014, 224 p., préface de J. M. Fauquet)