Balade op. 36, n° 5 – Agathe BACKER GRØNDAHL – Orchestration Marc ETCHEVERRY
Orchestration pour harmonie : Marc ETCHEVERRY
Agathe BACKER GRØNDAHL (1847-1907)
Agathe BACKER GRØNDAHL est la fille de Nils Christensen BACKER (1815-1877) et de Sofie SMITH PEDERSEN. Son père est armateur et sa sœur aînée, Harriet BACKER (1845-1932), est devenue une peintre renommée. Avec sa famille, elle quitte sa ville natale Holmestrand en Norvège dès 1857 pour Oslo (nommée alors Christiana) où elle étudie sous la direction d’Otto WINTHER-HJELM, Halfdan KJERULF et, plus tard, la théorie musicale avec Ludvig Mathias LINDERMANN.
Ses parents d’abord sceptiques pour qu’elle s’engage dans une carrière pianistique finissent par l’accepter et elle part en 1865, avec son aînée, la jeune pianiste Erika NISSEN (1845-1903), étudier à Berlin à la Neue Akademie der Tonkunst de Berlin fondée par Theodor KULLAK (1818-1882). Elle y obtient du succès grâce à son interprétation du Cinquième concerto pour piano de Beethoven. Plus tard elle étudie avec Hans von BÜLOW à Florence en 1871 et Franz LISZT à Weimar en 1873. Ce-dernier l’encourage dans ses premiers essais d’écriture symphonique, mais ceux-ci resteront inachevés.

Une profonde amitié la lie au compositeur Edvard GRIEG (1843-1907) et à sa femme, la cantatrice Nina HAGERUP GRIEG (1845-1935) avec laquelle elle interprète ses propres mélodies. Pianiste de renommée mondiale, elle participe par ailleurs activement à la diffusion de l’œuvre pour piano de GRIEG et notamment de son Concerto pour piano en la mineur op. 16, lors de ses différentes tournées en Europe. Elle joue ce concerto trois fois sous la baguette du compositeur au cours de sa carrière.
En 1875, elle épouse Olaus Andreas GRØNDAHL (1847-1923), l’un des principaux chefs de chœur norvégiens de son époque. Ils ont quatre enfants, dont Fridtjof (1885-1959), qui devient un pianiste renommé et Nils (1877-1975) qui devient médecin.
Atteinte de surdité autour de sa trentième année, elle finit par abandonner totalement sa carrière de soliste en 1903. Cela lui permet cependant de se consacrer plus amplement à la composition et à l’enseignement : « J’aime composer dans le calme du soir, quand la journée de travail se termine, l’enseignement, le ménage, les enfants, les jeux… Mais tout cela est également ce qui fait de moi une artiste ».
Entre sa vie de pianiste, de professeur, de mère et d’épouse, il ne lui reste plus beaucoup de temps pour écrire. Elle dit qu’il n’y a pas, pour elle, de plus grand bonheur que la composition. Mais vers la fin de sa vie, dans une lettre à son fils, elle écrit : « Je pense parfois à tout ce que j’aurais pu accomplir si je n’avais pas vécu dans cette étroite condition. Cette pensée m’envahit de tristesse ».
Elle meurt à Oslo à l’âge de 59 ans.
Agathe BACKER GRØNDAHL a composé au total environ 400 morceaux répartis en 70 numéros d’opus, et demeure l’un des personnages principaux de la scène musicale norvégienne. Elle est surtout connue pour ses chants et par des œuvres pianistiques d’une grande finesse qu’elle exécutait dans toute l’Europe. Pourtant, au fil du temps, sa musique s’est éclipsée au profit de celle de son célèbre compatriote GRIEG et est restée relativement méconnue, jusqu’à nos jours. Sa redécouverte récente n’est que justice.

Marc ETCHEVERRY
Marc ETCHEVERRY est né en 1971 et a grandi dans un environnement familial artistique, grâce à une mère Italienne poète et violoniste, et un père cornettiste. Avec ses parents et ses deux frères, Joël et Jean-Lionel également musiciens, Marc grandit dans des soirées de chants en famille et dans un apprentissage musical assidu. Il effectue ses études supérieures de musique au CRR de Boulogne-Billancourt, respectivement dans les classes de Raymond KATARZINSKI (tuba), d’Anne LE FORESTIER (formation musicale), de Naji HAKIM (analyse musicale) et de Pierre GROUVEL (harmonie, contrepoint, orchestration).
Titulaire d’un Premier Prix de tuba en 1991, il poursuit ses études dans la classe de Philippe LEGRIS et obtient un D.E.M. de tuba du CMA du 10e arrondissement de Paris et du CRR de Paris en 1993. Il sera ensuite élève dans la classe de tuba de Thierry THIBAULT au CRD du Raincy, où il obtient un Premier Prix de tuba à l’unanimité du Jury en 1996.
Parallèlement, il poursuit des études supérieures de direction d’orchestre au Conservatoire de Saint-Maurice (Val-de-Marne), dans la classe de I-Ming HUANG et obtient un Premier Prix d’Orchestration du CRR de Boulogne-Billancourt en 1996, dans les classes de Pierre GROUVEL et Yoshihisa TAÏRA. La même année, il est admissible au CNSMD de Paris au concours d’entrée en classe de direction d’orchestre, puis admissible au CNSM de Lyon en 2000, au concours d’entrée en classe d’écriture.
Marc ETCHEVERRY a été professeur au CMA du 17e arrondissement de Paris de 2002 à 2017, en tant que compositeur-arrangeur et professeur-coordinateur des classes d’orchestres scolaires, professeur de formation musicale et professeur des classes d’ensembles de cuivres au CMA du 10e arrondissement de Paris. Il a également été chef d’orchestre-assistant de l’orchestre d’harmonie de Meaux (77) et professeur à l’école de musique de l’harmonie de Meaux de 1995 à 2017, où il a enseigné le saxhorn, l’euphonium, le tuba, les classes d’orchestres, l’ écriture et la formation musicale. Il est également pianiste, et a joué au sein du Big Band de Meaux pendant 21 ans, orchestre de jazz dirigé par son ami tromboniste Marc ROGER.
Titulaire du DADSM – spécialité Direction d’orchestre d’harmonie, Marc ETCHEVERRY enseigne actuellement l’écriture, la formation musicale, le tuba, dirige les classes d’orchestres au CRC de Bagnolet (93), et est chargé de la coordination des classes de pratiques collectives.
Compositeur éclectique, il s’intéresse particulièrement à l’orchestre d’harmonie. En 2000, il compose Meaux en Majuscule à l’occasion des 75 ans de l’orchestre d’harmonie de cette ville. Il est aussi l’auteur de Chemin de Paix pour orchestre d’harmonie, pièce sélectionnée pour les 1/4 de Finale du 6e Concours Coups de Vents (2018) et Bleu Ciel en 2018 pour Orchestre d’harmonie, commande de l’orchestre d’harmonie de Boulogne-Billancourt, dirigé par Emmanuel Van CAPPEL. En décembre 2019, Marc ETCHEVERRY remporte le 1er Prix du Concours International de Composition pour Orchestre d’harmonie de Belfort avec sa pièce Symphonie Imaginaire[1] pour ensemble de musiques actuelles et orchestre d’harmonie. En juin 2025, il remporte le 1er Prix (Prix du Conseil Départemental du Pas-de-Calais), du 2e Concours International d’Orchestration Coups de Vents pour son orchestration de la Ballade opus N°36 de Agathe BACKER GRØNDAHL.
Balade op. 36, n° 5 • Présentation de l’œuvre
Au sujet du travail d’orchestration
Avec ce FOCUS consacré à la Ballade de la compositrice norvégienne Agathe BACKER GRØNDAHL, nous ne sommes pas, à proprement parler, devant une composition originale pour ensemble à vent, ce qui est la destination habituelle de ces publications. Cependant, la science de l’orchestration appartient bien à un musicien (l’orchestrateur) conscient d’un savoir-faire particulier que n’ont pas boudé les plus grands compositeurs. Souvent, pour ces derniers, la partition est d’abord une pièce pour le clavier (piano, clavecin ou orgue) dont ils tirent (eux ou des orchestrateurs ad hoc) la partition d’orchestre selon le résultat sonore qu’ils souhaitent obtenir. Il y a une importante différence entre orchestration et transcription. Selon la définition d’Ivan Jullien[1] l’orchestration dispose les instruments (et/ou chanteurs) en assemblant avec goût les pupitres et en dosant les interventions pour éviter que tous ne jouent pas tout le temps.
La transcription pour ensemble à vent, souvent liée à la transposition et à l’harmonisation, joue sur l’adaptation à des tessitures et à la nomenclature instrumentale d’une œuvre initialement écrite, harmonisée et pensée pour un autre ensemble (l’orchestre symphonique en particulier). L’opposé de l’orchestration est la réduction pour clavier d’une œuvre orchestrale. Le travail de l’orchestrateur s’approche beaucoup du travail de compositeur. Prendre un texte musical réduit à trois ou quatre voix, pour en faire une œuvre orchestrale développée à 20 ou 30 voix différentes demande un grand savoir faire et de vraies connaissances sur les timbres des instruments et les couleurs orchestrales recherchées.
L’œuvre source : la Ballade d’ Agathe BACKER GRØNDAHL
Les Fantasistykker (littéralement « Pièces fantastiques »), op. 36, sont un cycle de dix pièces pour piano de la compositrice norvégienne Agathe BACKER GRØNDAHL, écrites en 1895. Le Concours International d’Orchestration Coups de Vents a sélectionné le n° 5 « Ballade » dans la liste des pièces proposées aux candidats[1].
Bien que les Fantasistykker puissent être qualifiées de « pièces de salon », elles présentent une gamme intrigante de styles, de textures et de couleurs musicales – parfois impressionnistes ou faisant référence aux idiomes folkloriques et aux rythmes de danse de BARTOK ; parfois énergiques, virtuoses et profondément romantiques, avec une profondeur émotionnelle qui dépasse de loin la miniature de salon.
Les « pièces fantastiques » ressemblent aux pièces lyriques de GRIEG, mais elles peuvent également être considérées comme des peintures sonores avec leurs titres programmatiques. Et si la beauté et le charme peuvent se trouver à la surface de ces pièces avec leur élégance et leur caractère décoratif, il y a une obscurité latente en dessous – et c’est là le cœur de la musique d’Agathe BACKER GRØNDAHL.
Ballade est imprégnée du folklore norvégien, de l’univers des contes et légendes, de la nature et de la lumière particulière de ces terres boréales. Nous sommes ici en plein romantisme, et les influences de Robert SCHUMANN ou Felix MENDELSSOHN se font particulièrement sentir.
L’orchestration
Ballade est une œuvre plus ample que les autres « pièces fantastiques » de la compositrice. Elle s’articule autour d’un thème dramatique qui revient régulièrement après des épisodes présentant des matériaux thématiques fortement contrastés.
La partition est relativement courte (77 mesures). En sol bémol Majeur, elle débute par un premier mouvement Andante, pesante & molto legato qui annonce la « Balade ». La mélodie installe une ambiance entre mélancolie et pressentiment. Le contre-chant, aux instruments graves en échos, ne fait que renforcer ces sentiments. L’annonce à la mesure 17, sur le rythme croche pointée – double croche, ouvre sur une puissance orchestrale passant du piano au forte, sorte d’alerte d’un danger imminent. Mais le climax du premier thème se réinstalle dans la nuance forte sur huit mesures (mesures 22 à 29) comme une sorte d’affirmation résolue.
L’ambiance change à la mesure 30. La tonalité passe en mi bémol Majeur installant un chant plutôt léger, développé en triolets sur un ostinato aux basses traité sur un demi-ton répétitif (si bémol – la bécarre). Bien que la nuance reste pianissimo, ce deuxième thème s’anime (poco a poco più animato) sur huit mesures. Sur des appels de trompettes et cors, sorte d’alerte, s’annonce un passage relativement résolu, rendu inquiétant voire menaçant par les appels répétés aux cuivres, autour d’accords modulés par demi-tons, le tout sur un forte de quatre mesures. Le 2e thème tente une reprise (de 42 à 46), mais est interrompu par la résurgence de l’avertissement più mosso.
Sans rupture dans la continuité de la musique, le retour à la tonalité initiale (sol bémol Majeur) joue avec l’élément rythmique du deuxième thème dans un tempo agitato soutenu par un crescendo (addition de voies à l’orchestre) et un accelerando (mesure 50 à 55). La « Balade » initiale cherche une échappatoire par le truchement d’un retour a tempo e marcato. Trois mesures laissent les bois s’exprimer seuls en tutti (de 55 à 58) relayées par une seule mesure où le tutti d’orchestre éclate dans une suite de triolets descendants en fusée. Ce point culminant de la partition retrouve une ambiance plus calme initiée par les cuivres sur quatre mesures.
Le crescendo ritenuto préparé sur les mesures 61 et 62, laisse éclater le thème redevenu paisible mais affirmé à 63. Le finale a tempo primo donne un retour au thème premier. La « Balade » peut reprendre mais les changements harmoniques des accords, note par note, et une sombre alerte (mesure 73) annoncent une forme de perte dans les brumes norvégiennes, sans que l’issue de la « Balade » soit heureusement ou malheureusement résolu. L’orchestration de Marc ETCHEVERRY, parfaitement fidèle la composition originale d’Agathe BACKER GRØNDAHL, contient quelques passages difficiles et convient bien aux orchestres amateurs d’un certain niveau. L’instrumentation ne pose aucune exigence particulière au-delà de la nomenclature normale d’un orchestre de concert et sonne aussi bien dans les petits orchestres que dans les grands.
Focus présenté par Patrick PÉRONNET,
docteur en Musicologie, 28 septembre 2025
Création :
Date : 1er juin 2025
Lieu : Le Louvre-Lens
Chef et orchestre : Orchestre d’harmonie de Saint-Omer (62), direction Philippe LE MEUR
Partition :
Titre : Balade op. 36, n° 5
Pour : Orchestre d’harmonie
Durée : Environ 5′
Niveau : Medium 4-5
Édition : contacter marc.etcheverry4@gmail.com
L’Orchestre d’Harmonie de Saint-Omer (62), dir. Philippe LE MEUR

Ballade, Op.36 No.5 · d’Agathe Backer Grøndahl – Jorunn Marie Bratlie (piano)
[1] https://www.youtube.com/watch?v=vnT2zlyuFng
[1] Ivan JULLIEN, Traité de l’arrangement. Volume 1, Marseille, Media Musique, 2005, p. 49.
[1] Les autres œuvres sélectionnées pour les 20 orchestrateurs sélectionnés pour la demi-finale du CIO#2 : Prélude 21 (extrait des 24 Préludes Opus 37) de Ferruccio BUSONI, Le ballet des revenants op 5 N° 4 de Clara WIECK-SCHUMANN, Prélude (de Prélude, Choral et Fugue) Op 37 de Émile GOUÉ, Vers la vie nouvelle, de Nadia BOULANGER et Prélude N° 12 (seul) extrait des 12 Préludes Opus 36 de Louis VIERNE.

