Histoire de l’instrumentation et de l’orchestration – Christian GOUBAULT
Christian GOUBAULT
GOUBAULT, Christian. Histoire de l’instrumentation et de l’orchestration, du baroque à l’électronique.
Éditions : Minerve, collection Musique ouvert
Date de publication : 2009
Nombre de pages : 477
ISBN 978-2-86931-123-7
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Parce que l’ensemble à vent est concerné depuis ses origines aux problèmes de l’instrumentation et de l’orchestration, l’ouvrage proposé par Christian GOUBAULT devrait avoir une place de choix dans toutes les bibliothèques des passionnés. La photographie qui illustre la couverture représente l’Orchestre d’Harmonie de la Garde républicaine. Cela en dit long sur le lien que l’Auteur tisse entre orchestration et ensemble à vent.
Christian GOUBAULT (1938-2009), grand humaniste et éminent musicologue, fut un spécialiste du XIXe siècle. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont La critique musicale dans la presse française de 1870 à 1914 (Genève-Paris, Slatkine), et complète avec cette nouvelle étude sur l’instrumentation tout un corpus analytique et esthétique consacré à Ravel (pour lequel il a reçu le Grand Prix des Muses), Debussy, Stravinsky, à la critique musicale et aux œuvres saillantes du répertoire.
Animé de cette bonne humeur que même la souffrance ne dissipa jamais, il a consacré ses dernières années à un travail approfondi sur le maniement plusieurs fois séculaire du timbre par les compositeurs. S’il nous revient un commentaire sur cet imposant et important ouvrage, c’est pour le mettre en perspective avec les particularités de l’ensemble à vent. Parce qu’il utilise deux sources bien distinctes, les musiques originale et les musiques transcrites, l’ensemble à vent se pose comme un formidable laboratoire des sons.
Goubault revient historiquement sur ce particularisme aux deux paragraphes consacré l’ensemble à vent : « La musique révolutionnaire. Les musiques de plein-air. Les musiques d’apparat et la musique militaire » (p. 99-102) et « Musiques de scènes, bandas et fanfares » (p. 109-112).
Mais c’est surtout la 6e partie de l’ouvrage portant sur les « Techniques et traités ». Le relevé des traités consacrés à « L’orchestration militaire » de 1837 (Jean-Georges Kastner) à 1969 (Dondeyne et Robert) fait la part entre « instrumentation et orchestration »⁽︎¹︎⁾︎. La lecture de la 9e partie de l’ouvrage « Arrangement et réorchestration » (p. 359-392) nous semble indispensable pour tout musicien souhaitant transposer ou orchestrer pour l’ensemble à vent.
L’une des variantes concernant l’instrumentation a été au XIXe siècle l’évolution de la facture instrumentale. Fixée depuis les grandes réformes d’Adolphe Sax, elle s’est institutionnalisée avec le modèle de « perfection » offert par la Musique de la Garde républicaine. La nomenclature instrumentale (l’instrumentarium) impose une forme d’écriture que ce soit pour une partition originale ou une transcription. La complexité des groupes homogènes utilisés (petite harmonie, clarinettes, saxophones, cuivres clairs, saxhorns et percussions) et les tonalités particulières des instruments (ut, fa, sib et mib) ont été repris dans tous les traités d’orchestration des XIXe et XXe siècle (de Berlioz à Koechlin en passant par Widor) et restent la base de l’enseignement de l’écriture musicale.
Il nous faudrait ici commenter et présenter des ouvrages plus récents dus à Anthony GIRARD (L’Orchestration, Billaudot, 2009), Samuel ADLER (Étude de l’orchestration, Lemoine, 2011), ou encore les quatre volumes du Traité de l’arrangement de Jullien IVAN (Médiamusique, 2005-2012). Cependant, à la différence de ce qui existe ailleurs en Europe et dans le monde, aucune classe ne s’intéresse à l’orchestration pour ensemble à vent dans les Conservatoire nationaux supérieurs de musique, même si les enseignants essaient de l’intégrer à leurs cursus théoriques. La recherche de couleurs ne peut être obtenue par la simple transposition « mécanique ». Pour que l’ensemble à vent puisse revendiquer un statut et une reconnaissance, il faut porter une attention toute particulière à l’orchestration et à l’instrumentation. C’est d’abord la responsabilité des chefs, mais c’est aussi celle des éditeurs.
Pour en revenir au travail de Christian GOUBAULT, nous laissons à Gérard DENIZEAU⁽︎²︎⁾︎ le soin de présenter l’ouvrage.
— Patrick PÉRONNET
⁽︎¹︎⁾︎ Lire à ce sujet ce que nous avons écrit dans PÉRONNET Patrick, Traités, manuels et guides, Conseils aux directeurs des ensembles d’instruments à vent aux XIXe et XXe siècles, Observatoire Musical Français, Université Paris-Sorbonne, 2013,70 p.
⁽︎²︎⁾︎ Né le 25 octobre 1953, auteur de romans, essais, biographies, poésies, articles et ouvrages portant notamment sur les beaux-arts et la musique, Gérard Denizeau s’est spécialisé dans l’étude des rapports pluridisciplinaires dans l’expérience artistique, s’appliquant à proposer – sous le signe d’une approche iconographique, esthétique, historique, épistémologique, analytique – l’étude dissociée, puis simultanée, des activités visuelles, verbales et sonores, principe fusionnel entré dans le domaine de la pensée à la fin du XIXe siècle. Ayant établi le catalogue raisonné et la biographie scientifique du peintre Jean Lurçat, il consacre aussi une partie importante de son activité d’auteur au patrimoine monumental mondial et français.
Instrumentation ou orchestration ? Combien d’excellents esprits avaient jusqu’ici reculé face à cette interrogation, conscients que la dissociation de leurs études respectives masquait mal leur difficulté à retracer la communauté de trajectoires, complexes, souveraines, liées, voire coalescentes ? Partir du crépuscule de la Renaissance et clore à l’aube du troisième millénaire, tel était le défi induit par cette singulière entreprise, telle fut la tâche à laquelle Christian Goubault consacra ses ultimes forces, ce magnifique volume de 480 pages étant paru peu de temps avant l’issue fatale d’une longue et cruelle maladie.
À ceux qui croyaient (à l’instar de l’auteur de ces lignes) avoir compris l’essentiel des révolutions beethovénienne et berliozienne, qui pensaient avoir percé le secret des esthétiques ravélienne ou stravinskienne, qui professaient en toute bonne foi que l’orchestration débutait avec Joseph Haydn, que Bach se préoccupait peu d’instrumentation, que Vivaldi ne rédigeait 71 que la basse et le superius de ses concertos, que l’École de Mannheim était le seul vivier du génie idiomatique de Mozart, que Schumann ou Brahms ne « savaient pas orchestrer »… à tous ceux-là – et aux autres – cet ouvrage ouvrira des horizons insoupçonnés.
Au long d’une turbulente histoire, faite comme toutes les histoires de ruptures et de renaissances, Christian Goubault réussit le prodige de ne jamais égarer son lecteur ; des trouvailles de Rameau aux explorations électroacoustiques de Stockhausen, de la palette diversifiée d’un Weber aux enchantements fusionnels d’un Debussy, rien n’échappe à sa puissante et subtile analyse, non plus que les principes d’équilibre des divers pupitres, le problème particulier des transcriptions ou la réalité générale d’une évolution constante de la lutherie et de la nomenclature instrumentale. Une sorte de vertige peut même s’emparer du lecteur face à l’immensité du patrimoine exploré (plus de mille œuvres sollicitées !) et à la scrupuleuse mise à nu de toutes les hypostases du timbre au long cours de l’histoire musicale. D’où, probablement, cette bienheureuse et reconnaissante certitude, une fois le livre refermé, d’un enrichissement définitif et capital.
Les « Histoire de l’instrumentation » en langue française sont rares, en dépit de l’importance acquise au fil des siècles par l’orchestration. Cet ouvrage parcourt un long itinéraire depuis les intermèdes de la Renaissance et de la musique baroque, s’attachant à en souligner les particularités, les continuités comme les ruptures.
L’orchestration devient alors un art autonome avec Haydn et Mozart, largement entrevu et préparé par des musiciens comme Vivaldi, Rameau, Haendel, Bach, par les Ecoles de Mannheim et de Vienne. Le chemin est ensuite tracé par des orfèvres en la matière, avec les grandes figures de Beethoven et de Berlioz.
La première partie du XXe siècle expérimente d’autres voies, de la pensée sonorielle debussyste à la Klangfarbenmelodie des Viennois. Les percussions constituent de véritables orchestres. Des instruments nouveaux apparaissent, faisant appel à l’électronique, comme les ondes et les synthétiseurs, autorisant des partitions mixtes. Ce livre serait incomplet si la technique de l’orchestration classique n’était pas abordée : équilibre entre les pupitres, divisi des cordes, combinaisons instrumentales, effets spéciaux… Le problème des transcriptions et des réorchestrations est également posé, à travers une multitude d’arrangements.
Enfin, parmi plus de mille œuvres citées, un choix de partitions brèves, de Bach à Messiaen, fait l’objet d’une analyse et de commentaires, pour mieux comprendre l’orchestration.
Christian GOUBAULT (1938-2009) a poursuivi des études musicales et universitaires qui l’ont conduit, notamment, à l’obtention d’un Doctorat d’État ès-Lettres à l’Université ParisSorbonne en 1975. Auteur de nombreux ouvrages sur la musique à la charnière des XIXe et XXe siècles, il complète avec ce nouveau livre tout un corpus analytique et esthétique consacré à Ravel (pour lequel il a reçu le Prix des Muses), à Debussy, à Stravinsky, à la critique musicale et à des œuvres saillantes du répertoire