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Saxons et Carafons ; Adolphe Sax et le Gymnase musical militaire, un conflit d’esthétique – Patrick PÉRONNET

Saxons et Carafons ; Adolphe Sax et le Gymnase musical militaire, un conflit d’esthétique – Patrick PÉRONNET

Saxons et Carafons ; Adolphe Sax et le Gymnase musical militaire, un conflit d’esthétique
Patrick PÉRONNET

PÉRONNET, Patrick. Saxons et Carafons ; Adolphe Sax et le Gymnase musical militaire, un conflit d’esthétique.

Éditions : Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap
Date de publication : 2016
Nombre de pages : 19

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Présentation

L’épisode bien connu de la guerre des Saxons et des Carafons, page d’anthologie du journal satirique Le Charivari, date du 23 avril 1845. Il relate la joute musicale que livrèrent alors deux ensembles musicaux français : d’une part un orchestre issu du Gymnase musical militaire, dont la nomenclature est proposée par Michele CARAFA et d’autre part une formation ad hoc proposée par Adolphe SAX.

À l’occasion du colloque commémorant le bicentenaire de la naissance d’Adolphe SAX, et alors même que chacun connaît l’issue de cette petite guerre musicale, il nous a semblé heureux de revenir sur les antécédents de ce 23 avril 1845 et de s’interroger sur l’impact du « modèle Sax » sur les musiques militaires françaises et, par imitation, de quelques nations européennes.

Institution musicale française absente des études en musicologie, le Gymnase musical militaire fut célébré lors de sa création (1836) comme la plus heureuse initiative prise pour rénover les musiques militaires françaises décadentes. Doté d’un encadrement réunissant une bonne part de l’élite française des instrumentistes à vent issue du Conservatoire de Paris, son crédit est fortement contesté par les conceptions et les innovations d’Adolphe SAX dès 1842.

Après la fameuse “bataille des Saxons et des Carafons” (1845) et malgré les revers que subit la réforme des musiques militaires lors de la Révolution libérale de 1848, le « système Sax » s’impose temporairement sous le Second Empire et contribue fortement à la disparition du Gymnase en 1856.

L’image caricaturale et manichéenne qui résulte de ce conflit est la victoire des modernes sur les anciens, des progressistes sur les conservateurs, du génie solitaire (Sax) sur la masse comploteuse des ignorants, du créateur désargenté face à la masse cupide des imitateurs et des agioteurs, d’une guerre personnelle épique et sociale entre l’aristocrate Michele Carafa prince de Colobrano (le directeur du Gymnase depuis 1838) et le besogneux artisan Adolphe Sax. Cette image d’Épinal, typique du Romantisme littéraire ou artistique, entretenue par les musicographes, biographes et hagiographes d’Adolphe Sax, brouille les véritables raisons de ce conflit.

En réalité, il y a, pour les musiques militaires françaises, des enjeux esthétiques peu explorés, escamotés par les faits politiques et les intérêts socio-économiques privés de cette nouvelle ère industrielle. Si, à première vue, la réforme globale initiée par le « système Sax » sort triomphatrice de cette lutte, la réalité se rapproche plus d’une demie victoire. Sax dut faire bien des concessions à ses adversaires et son orchestre type ne fut pas réellement plus prodigue en créations musicales que les harmonies ou fanfares militaires qui l’avaient précédé.

— Patrick PÉRONNET