logo
Populate the side area with widgets, images, navigation links and whatever else comes to your mind.
Strömgatan 18, Stockholm, Sweden
(+46) 322.170.71
ouroffice@freestyle.com

Follow us

In Memoriam – Robert Austin Boudreau

In Memoriam – Robert Austin Boudreau

Robert Austin Boudreau
1927 – 2024

In Memoriam Robert Austin Boudreau

Robert Austin Boudreau, fondateur et directeur musical de l’American Wind Symphony Orchestra (AWSO), est décédé à l’âge de 97 ans le 4 juillet 2024. Il était venu en France à l’occasion de l’hommage que le CRR de Paris rendait à Jacques Castérède. La rencontre avec Philuippe Ferro et Maxine Aulio fut d’importance. Robert A. Boudreau accepta alors de rejoindre le Comité d’honneur de l’AFEEV. L’action incroyable de Robert A. Boudreau est peu connue en France mais elle eut un retentissement qui dépasse largement les dimensions d’une région du monde. Nous saluons la mémoire d’un de ces passionnés qui nous prouvent qu’il s’agit souvent de vouloir pour pouvoir.

Texte d’hommage publié par l’American Wind Symphony Orchestra dont Robert Austin Boudreau fut le fondateur (traduit de l’américain)

 

Le 23 juin 1957, Robert Austin Boudreau dirige son premier concert sur les rives de la rivière Allegheny à Pittsburgh, en Pennsylvanie. La scène de ce concert était le Point Counterpoint I, une barge à charbon réaménagée qui avait été ressuscitée de la boue d’où elle était sortie près de l’île Neville. Pendant les 60 années suivantes, le Point Counterpoint I, puis le Point Counterpoint II, plus contemporain et autopropulsé (conçu par Louis Kahn) sillonneront les fleuves des États-Unis et du monde entier, rassemblant les communautés autour de la musique, de l’art et de la poésie, réunissant voisins et amis le long des rives de l’Amérique – et plus tard du monde – pour partager une soirée de musique et de spectacles inoubliables. Au cours de sa longue et illustre carrière, Boudreau s’est fait le champion de la musique nouvelle, commandant plus de 400 œuvres pour un nouvel ensemble appelé « orchestre symphonique à vent » et, grâce à une relation fructueuse avec la maison d’édition C.F. Peters, il a fait en sorte que ces œuvres deviennent un répertoire standard. En doublant les sections des bois, des cuivres et des percussions d’un orchestre symphonique, Robert a créé un nouveau son, et l’American Wind Symphony Orchestra (AWSO) est né.

 

→︎ Bibliographie AFEEV

→︎ Publications AWSO

 

En 1971, un article du Time Magazine déclarait : « Il est possible qu’il n’y ait pas de plus grande force d’innovation dans la musique américaine que Robert Boudreau ». En 1979, le roi de Suède a honoré Boudreau en le nommant « Chevalier de l’étoile polaire » pour son action en faveur des arts du monde.
Au début des années 2000, Timothy Reynish, président de l’Association mondiale des orchestres et ensembles symphoniques, a écrit : « Je crois que lorsque l’histoire du mécénat musical des XXe et XXIe siècles sera écrite, le nom de Robert Boudreau figurera parmi les plus grands mécènes artistiques de tous les temps… Je ne me souviens d’aucun mécène qui ait participé non seulement à la collecte et à la distribution de fonds, mais aussi à la création d’œuvres d’art, sans parler de l’organisation du médium lui-même et du pilotage du navire sur lequel les artistes voyageaient et jouaient. »

 

Les musiciens de l’AWSO étaient la crème de la crème, sélectionnés à l’issue d’auditions compétitives dans tout le pays (puis dans le monde entier). Ces jeunes artistes (âgés en moyenne de 22 ans) allaient ensuite intégrer de grands orchestres et occuper des postes de professeurs dans des universités et des conservatoires du monde entier. L’expérience de l’AWSO est source de souvenirs pour toute une vie. L’un de ces musiciens est Miles Hearn, un corniste originaire du Canada qui a rejoint l’Orchestre symphonique à vent lors de la tournée de 1968. Ses réflexions sur cette année-là illustrent parfaitement l’impact qu’un été à l’Orchestre symphonique à vent peut avoir sur un jeune musicien impressionnable. « 1968 a été une expérience superbe et j’ai adoré [Robert]. Nous avons eu Louis Armstrong, entre autres, comme soliste (j’ai encore le programme). J’ai vu ma première télévision couleur et j’ai dormi pour la première fois dans une maison équipée de l’air conditionné. C’est l’été où Robert Kennedy a été tué, alors nous avons joué à de nombreuses cérémonies commémoratives. Nous avions un trompettiste noir qui devait dormir dans le bus dans certaines villes. J’ai donc constaté une grande différence entre les États-Unis et mon pays natal, le Canada, où un jeune Noir était président de l’association des étudiants de mon lycée. J’ai ensuite poursuivi une carrière de 40 ans dans l’orchestre et je dois beaucoup à [Robert] ».

 

Robert A. Boudreau a étudié la trompette très tôt avec Georges Mager¹︎ de l’Orchestre symphonique de Boston. Puis, lorsqu’il était étudiant à l’université de Boston, il a été choisi de jouer avec le Boston Brass Quartet sous la direction de Robert King, plus tard rédacteur en chef de Music for Brass Editions, dont les conseils et la musicalité ont été des influences déterminantes. Il se rend ensuite à la Juilliard School, où il a pour professeur le légendaire William Vacchiano. Il se produit bientôt avec l’Edwin Franko Goldman Band, puis avec le Metropolitan Opera et, en 1953-1954, il bénéficie d’une bourse Fulbright à Paris.

Après avoir enseigné à l’Ithaca College et à la Lehigh University, il s’est finalement installé à la Duquesne University de Pittsburgh, où il a pu, grâce à l’important mentorat de H.J. Heinz II (1908–1987), commencer à réaliser son rêve de travailler avec de jeunes musiciens en herbe pour développer la nouvelle sonorité de la symphonie d’instruments à vent. Doté d’un don inné pour la relation commerciale (cela a débuté lorsqu’il était enfant et vendait des œufs à Woonsocket, en Irlande, pendant la Grande Dépression), Robert A. Boudreau a approché des fondations, des entreprises et des représentants du gouvernement avec énergie et passion, construisant une base de financement qui a continué à soutenir l’AWSO au cours de ses plus de 60 ans d’existence.

 

Robert A. Boudreau ne s’est pas contenté de diriger l’AWSO, il a également organisé les tournées, se rendant hors saison dans les villes situées le long des voies navigables d’Amérique. Il construisit son projet avec un petit comité de personnes dévouées déjà en place, déterminées à faire venir l’AWSO dans leur ville. Il s’agissait de petites villes et de villages situés le long des rives américaines… des endroits où les habitants n’auraient normalement pas eu accès à une salle de concert ou à des symposiums de poésie et d’artistes. Une citation du magazine Business Week de 1964 décrit ses réalisations : « Le fait que les accents de la musique symphonique à vent – et surtout de la musique contemporaine – s’épanouissent dans un cadre aussi inhabituel est largement dû à la combinaison des talents de musicien, d’innovateur et d’entrepreneur pratique de Boudreau ». Parallèlement à la musique, Robert a encouragé le développement et l’amélioration des berges, s’associant à des personnalités telles que Pete Seeger et le maire de Pittsburgh, David Lawrence, pour lutter contre la pollution rampante rencontrée à ses débuts le long des voies navigables où le bateau circulait et dans les zones riveraines où le Point Counterpoint était amarré.

 

En 1976, à mi-parcours du voyage inaugural du Point Counterpoint II, il a dû prendre une décision qui a marqué le reste de sa carrière et l’a fait passer du statut de chef d’orchestre à celui de capitaine. Lorsque le dernier d’une longue série de capitaines engagés abandonne le navire, Boudreau prend la barre, littéralement… en pilotant le Point Counterpoint II de 38 pieds de large à travers une écluse de 42 pieds de large sur le canal Erie après seulement 30 minutes d’entraînement. Il a appris très vite. Dès lors, lui et sa famille guideront le Floating Arts Center contre vents et marées, dans les épreuves et les tribulations, dans les tempêtes et les magnifiques couchers de soleil bénissant les eaux du soir.

 

En 1985, Boudreau est arrêté par les garde-côtes américains pour avoir traversé le lac Michigan contre leurs ordres. Usé par des années de surveillance bureaucratique et d’incohérences sur la façon de classer l’inclassable Point Counterpoint II, il en avait assez. Traîné en prison à Charlevoix, dans le Michigan, il a été libéré quelques heures pour diriger le concert ce soir-là. Au cours de cette soirée mémorable, il a prononcé un discours passionné sur la nécessité de défendre ses convictions, quelles qu’en soient les conséquences. Alfred W. Wishart, qui dirigeait alors la Pittsburgh Foundation et la Howard Heinz Endowment, a écrit à la même époque : « Il est incroyable, un sacré génie. C’est le Music Man original. Qui pourrait s’opposer à ce que les villes fluviales reçoivent de la bonne musique ? C’est un genre unique, sur une barge flottante. C’est un magnifique ambassadeur de Pittsburgh. Il symbolise une idée culturelle née de notre environnement : les gens qui vivent le long des rivières ».

 

Au cours des années suivantes, Boudreau, son groupe de jeunes musiciens et le Point Counterpoint II ont traversé le monde pour se rendre dans des endroits très éloignés, tels que Leningrad (Saint-Pétersbourg) en Russie, Paris en France²︎, Montego Bay en Jamaïque, Red Wing dans le Minnesota et South Padre Island au Texas. À la suite de l’ouragan Katrina en 2005, Robert A. Boudreau s’est rendu en Louisiane et a intitulé cette tournée « The Spirit of Louisiana » (l’esprit de la Louisiane). Yo-Yo Ma, un ami de Boudreau, a dit à propos du bateau : « il navigue comme un témoignage vivant et puissant de la créativité américaine et du rôle élémentaire que joue la culture dans la vie humaine ».

 

Né le 25 avril 1927 et élevé dans un élevage de poulets à Bellingham, dans le Massachusetts (ce qu’il ne laisse jamais oublier à son auditoire), il a toujours conservé sa passion pour la vie agricole. Éleveur de chèvres et de moutons dans une ferme à Mars, en Pennsylvanie, on pouvait le voir en short coupé et t-shirt blanc, labourant son jardin à la motobineuse et transportant le fumier en haut de la colline vers les parcelles qui lui étaient réservées, et ce jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Il laisse derrière lui sa compagne bien-aimée et son âme sœur depuis plus de 60 ans, Kathleen. Au cours des dernières années, il ne se passait pas une soirée sans une partie de Pinochle, de Perquackey ou de Quiddler – les trois jeux de cartes et de dés que l’on jouait religieusement à tour de rôle tous les soirs. Robert Austin Boudreau laisse également ses six enfants, Wendy (Michael Morrissey), Robin (Thomas Palmer), Caryn, Jonathan, Josh (Gloria Caceres) et Tanya (Can Tutuncu), ainsi que 17 petits-enfants. Plus tard dans sa vie, il a souvent répété à quel point il avait eu de la chance, à quel point la bonne fortune avait été essentielle à sa réussite et à quel point l’élément le plus important dans la vie était de s’aimer les uns les autres. Il appelait chaque personne qu’il rencontrait « mon ami ». Il a touché tant de vies et nous a laissé toute une vie de souvenirs.

 

 

¹︎Georges Mager (1885-1950) reçut une formation musicale au Conservatoire de Paris avec le professeur Merri Franquin (alto et trompette). Il joua à l’Opéra de Paris, dans les Concerts Lamoureux, et les concerts de la Société du Conservatoire. Il a également eu une brève carrière de remplaçant en tant que chanteur dans le duo avec son épouse, la soprano Claire, et avait espéré faire une carrière lyrique.
Après la Première Guerre mondiale, il embarque pour les États-Unis, en 1919, avec l’orchestre de la Garde républicaine. Sur place, il est engagé pour jouer dans le Boston Symphony Orchestra comme altiste en alternance avec le futur chef d’orchestre Arthur Fiedler. Ce n’est qu’en 1920, qu’il devient trompettiste. Il restera toute sa vie au sein de cet orchestre de Boston.
Georges Mager fut le premier trompettiste à jouer, en Amérique, les Concertos brandebourgeois de Jean Sébastien Bach. Il fut également professeur de musique et enseigna la trompette à de nombreux élèves, notamment Roger Voisin. Il rédigea plusieurs ouvrages spécialisés sur la trompette, Petite pièce concertante de Guillaume Balay, Fête joyeuse d’Henri Dallier et Solo pour concert de Georges Hüe, qu’il publia aux États-Unis sous le titre “Nine solos de concert” aux éditions Southern Music Co (anciennement Andraud).

²︎Il céda sa baguette le temps d’une marche américaine, à Jacques Chirac, alors maire de Paris ; le bateau étant amarré devant la mairie…

Maquette de la barge Point Counterpoint I (architecte Louis Kahn)

La barge Point Counterpoint I, amarrée sur la Tamise (Londres)

Table ronde – Hommage à Jacques Castérède (avril 2015)

Maxine Aulio, Robert & Kathleen Boudreau, Philippe Ferro (avril 2015)

Eté 2015, en Virginie Occidentale sur l’Ohio, avec la reprise de “Burning Bright”, œuvre commandée peu avant à Karol Beffa (photo M. Aulio)

Eté 2015, l’avant-dernière tournée… (photo M. Aulio)

Eté 2015, sur l’Ohio (photo M. Aulio)