
L’Harmonie des Images – Alain HUTEAU
pour Orchestre d’harmonie
Après de larges études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dans les disciplines instrumentales (1er Prix de saxophone et 1er Prix de percussion) et d’écriture musicale (harmonie, contrepoint, orchestration), ainsi qu’au célèbre Berklee College of Music de Boston (vibraphone, harmonie, orchestration), Alain HUTEAU a toujours mené en parallèle une activité de percussionniste, de compositeur et de pédagogue (C.A. de professeur de percussion). Après de nombreuses années passées en compagnie de grands artistes internationaux du show business et du jazz (Herbie HANCOCK, Claude BOLLING, Martial SOLAL, William SHELLER, Mikis THÉODORAKIS, Dee Dee BRIDGEWATER, Didier LOCKWOOD, …) et une longue période comme musicien d’orchestre, il se tourne définitivement vers la création. Dès 1978, c’est la rencontre avec des artistes Argentins et la découverte de la musique Argentine qui vont l’amener à jouer avec Mercédès SOSA, JAÏRO, Suzana LAGO, les compositeurs Astor PIAZZOLLA, Gustavo BEYTELMAN, Octavio LOPEZ, Oscar STRASNOY, José Luis CAMPANA, le groupe Anacrusa, l’Orchestre National de Musique Argentine Juan DE DIOS FILIBERTO, le bandonéoniste Juan José MOSALINI, …
En tant que soliste international, soliste de l’Ensemble de musique contemporaine 2E2M, duo Spirale (percussions électroniques avec Eric DAUBRESSE-IRCAM) pour lequel de nombreuses œuvres lui sont dédiées, Alain HUTEAU participe à de nombreux festivals : Prague, Barcelone, Madrid, Rome, Berlin, Lisbonne, Caracas, Taïpei, Tokyo, Buenos Aires, Moscou, Helsinki, Belgrade, …

Alain HUTEAU
Passionné de musiques ethniques et extra-européennes, il mène des recherches sur les instruments de percussion à lames et crée la Compagnie « L’Âme des Lames » (conférence audio-visuelle « Les Lamellophones », spectacles « jeune public », concerts). Il crée NEwindO (électro-ethno-pop music) avec le vibraphoniste de jazz Vincent LIMOUZIN. Dans le domaine de la composition, nourri de ses rencontres et de ses voyages à travers le Monde, son écriture musicale s’est orientée vers la mixité des Cultures et vers la rencontre « improbable » entre certains instruments. Privilégiant toujours la richesse des harmonies, de la mélodie et du rythme, sa musique peut se définir comme une « musique populaire savante ». Ses œuvres sont jouées sur de nombreuses scènes et festivals internationaux.
Son catalogue de plus de 40 œuvres contient des pièces de musique de chambre, des œuvres pour instruments seuls, plusieurs cantates, deux œuvres pour orchestre d’harmonie, pour chœur et orchestre symphonique, des opéras de chambre et musiques de théâtre, ainsi que des œuvres mixtes pour instruments occidentaux et instruments extra-européens. La pédagogie, indissociable de la vie artistique, est présente tout au long de sa carrière. Professeur honoraire au Conservatoire à Rayonnement Régional de Cergy-Pontoise (Ile-de-France), il est invité pour des master-class en France et dans le Monde.
1) Le contexte de la création par Bruno DRINKEBIER, président de l’Orchestre d’Harmonie de Saint-Omer
Dans le cadre des 190 ans de l’Orchestre d’Harmonie de Saint-Omer, une commande a été passée en 2022 à Alain HUTEAU pour la composition d’une œuvre originale. Cette fresque musicale avait pour objectif de mettre en lumière les trésors du patrimoine naturel et architecturaux de la ville de Saint-Omer. La composition a été réalisée en collaboration avec le photographe Carl PETEROLFF, Audomarois et membre de l’Orchestre d’Harmonie de Saint-Omer. Lors d’une première rencontre, le compositeur a eu l’opportunité de découvrir le patrimoine local grâce au regard du photographe, ce qui a permis de choisir les lieux et monuments représentés dans l’œuvre, tels que les marais, les faubourgs, la cathédrale, les ruines de Saint-Bertin, le jardin public, et le Théâtre à l’italienne. Le 15 octobre 2022, le public a pu découvrir cette pièce à la Chapelle des Jésuites de Saint-Omer, accompagnée de photographies illustrant la musique, aux sonorités cuivrées et boisées, riches et jazzy. Cette création a été soutenue par la DRAC des Hauts de France avec le « Plan Fanfare », le Fonds de développement de la vie associative, la ville de Saint-Omer et le département du Pas de Calais
Alain Huteau a laissé un message sur le livre d’or du site internet de l’Orchestre d’Harmonie de Saint-Omer, dans lequel il écrit :
« Chères musiciennes, chers musiciens de l’Orchestre d’Harmonie de Saint-Omer, je tiens à vous remercier et à vous féliciter pour la création de mon œuvre L’Harmonie des Images samedi dernier, sous la direction de votre chef Philippe Le Meur. J’ai beaucoup apprécié votre accueil, votre investissement personnel et collectif au service de cette création. Mon écriture musicale, assez aérienne et sans surcharge de virtuosité instrumentale, a trouvé, dans votre interprétation, le caractère juste de ce que je recherchais, avec les couleurs et les images que la musique peut nous offrir. Je tiens bien sûr à associer à cette œuvre notre ami Carl PETEROLFF, dont les magnifiques photographies ont été une source d’inspiration majeure pour moi. Je n’oublie pas non plus Yannick DEROO, sans lequel je n’aurais pas eu l’opportunité et le plaisir de composer cette pièce. J’espère que nous aurons l’occasion de nous retrouver, et en attendant, je vous souhaite tout le meilleur pour vous et votre bel orchestre.
Très amicalement,
Alain HUTEAU »

Moment de remerciements à Alain HUTEAU et Carl PETEROLFF lors de la création de la pièce.
Captation réalisée par Luc FOURNEAU (Digistyle) à la Chapelle des Jésuites, le 15/10/2022.
2) La musique et les images, promenade sensitive à Saint-Omer
Alain HUTEAU ne cache rien de l’importance des photographies de Carl PETEROLFF pour ce qui pourrait s’apparenter à une série de « Cartes postales musicales » de Saint-Omer. Et il est vrai qu’il est heureux, pour celui qui prétend commenter l’œuvre, de pouvoir disposer du visuel réalisé à l’occasion. C’est avec ce postulat que nous vous proposons une promenade sensitive dans L’Harmonie des images.
Au début était la petite goutte de pluie qui rejoint celle stagnante du marais audomarois. Au chant de la poule d’eau vivant dans le marais répond une sorte d’appel du clocher pour ne pas se perdre dans le brouillard et se remémorer le rôle des moines dans ces aménagements de champs et de canaux. Les notes longues reprennent cette idée d’eau immobile sur laquelle glisse le bacôve (barque du maraîcher) sur les quelques 170 km de voies navigables du marais (les wateringues). Une marche lente dont le 4e temps, en double croche à la tonalité, sorte de mouvement de rame, sur laquelle s’exprime un langoureux saxophone ténor interrompu dans sa rêverie mobile par une descente chromatique suspensive aux cuivres. Les anches doubles prennent le relai pour s’interroger sur fond de roulement de timbale, hésiter puis réinitialiser le thème de la marche lente. Ce climat suspendu et d’une élégance certaine devient champêtre et aérien. Et la phrase musicale glisse.
Les timbales, cloches tubulaires, glockenspiel, xylophone et cuivres graves interviennent pour matérialiser le retour sur la terre ferme aux abords de la ville. Et c’est sur un thème jazzy, rythmé par la cymbale suspendue, que débute une heureuse ballade sur les quais, longeant les façades de brique. Le paysage minéral s’anime au contact des passants sur fond de xylophone, ponctué de percussions aussi massives que la foule des touristes en ce bel été ensoleillé. Le regard s’encadre dans des belles perspectives et d’heureuses échappées, dans les venelles ou aux coins des rues, entre pierres et briques, et ce sont des phrases courtes et suspensives qui nous entraînent au carrefour suivant, encourageant la découverte, l’échappée joyeuse, le sourire aux lèvres. Le saxophone, la batterie, la contrebasse à cordes… le « cool jazz » au son feutré est celui d’une douce ambiance.
Et d’un coup s’impose Notre-Dame des Miracles, la cathédrale massive et sa tour-porche que le jeu de timbales, toms et grosse caisse incarne. Les cuivres majestueux en ouvrent les portes pour dévoiler la haute nef gothique nervurée et la puissance des piliers soutenant la voûte à la croisée du transept que contrebalancent les arcs-boutants extérieurs. Au son d’un heureux carillon de fête usant de l’air pittoresque composé par André LODÉON dans les années 1960, la marche ascendante reprend avec des rappels de percussions et de cuivres qui finissent par s’effacer devant la sacralité du lieu et du sentiment religieux, d’ici et d’ailleurs, évoqué à la flûte solo. Un regard qui s’élève, qui apaise, une respiration, un temps pour reprendre son souffle.
Et la déambulation reprend pour nous mener à la Chapelle des Jésuites restaurée, rendue impressionnante par le contraste entre son imposante façade de pierres et de briques orangées et sa blancheur virginale intérieure, entre gothique et baroque, lieu de foi et de savoir. Mais, comme une invitation à la découverte renouvelée, la marche reprend pour nous conduire devant les ruines romantiques de l’abbaye Saint-Bertin, évocations mêlées de la piété du Haut Moyen-âge, de la puissance du Comté de Flandre et des vicissitudes historiques. Et si Saint-Bertin laisse voir ses plaies, la musique souligne les ravages du temps et la volonté destructive des hommes, un inquiétant décompte des heures sombres. Et dans un temps plus proche, parallèle et complémentaire, la futilité des plaisirs s’illustre dans le petit théâtre à l’italienne, caché au sein de l’Hôtel de Ville, petite bonbonnière parsemée de dorures, de velours et de lustre à pampilles. Un écrin pour l’opéra avec son décor en trompe l’œil du plafond ou sont la Poésie et son phylactère, la Musique et sa lyre, le Théâtre et son masque et la Danse et son tambourin. Pause dans le théâtre silencieux où en fermant les yeux, on peut imaginer que la représentation va commencer.
Cet épisode introspectif précède une agitation, un tourbillonnement, toujours initié aux percussions annonciatrices. Ce sont d’abord sept ponctuations aux cuivres qui ouvrent la voie à un renouvellement. Le chiffre 7 fait bien sûr penser, entre autres, aux 7 jours de la semaine, aux 7 couleurs de l’arc-en-ciel, aux 7 branches de la Ménorah (chandelier des Hébreux), aux 7 notes de la gamme diatonique, aux 7 merveilles du monde, aux 7 chakras ou encore aux 7 circumambulations de la Mecque. Il est le cycle parfait, abouti, achevé. Il est encore le chiffre de l’union de la matière (4) et de l’esprit (3), le chiffre de la transcendance. Alors peut se poursuivre la course optimiste du monde après ce faux finale. Et c’est en suspension que nous retrouvons le saxophone ténor qui nous invite, par une double série de ponctuations conclusives à mettre un terme au voyage.
Focus présenté par Patrick PÉRONNET, docteur en Musicologie, décembre 2024
Création :
Commande de l’Orchestre d’Harmonie de Saint-Omer (Pas-de-Calais)
Date : 15 octobre 2022
Lieu : Chapelle des Jésuites de Saint-Omer
Chef et orchestre : Orchestre d’Harmonie de Saint-Omer sous la direction de Philippe LE MEUR.
Partition :
Titre : L’Harmonie des images
Pour : Orchestre d’harmonie
Durée : 16 min.
Niveau : Medium
Editeur : Alfonce Production, 1, rue Gilbert Morel, 63000 Clermont-Ferrand (info@alfonce-production.com)