Le Radeau de la Méduse – Benoît Barrail
pour Orchestre d’harmonie
Benoît BARRAIL est né à Pau en 1981. Il s’initie d’abord au saxophone puis au trombone. Originaire de Sainte Christie d’Armagnac (32), il y crée avec d’autres collègues une école de musique et l’Harmonie Sainte-Christoise qu’il dirigera plusieurs années. Il fait également ses premières armes auprès des orchestres de la Fédération des Sociétés Musicales du Gers. Il obtient le Prix de Formation musicale au Conservatoire de Toulouse et la Licence puis la Maîtrise de Musicologie à l’Université de Toulouse – Le Mirail. Enfin, il obtient le CAPES puis l’Agrégation de Musique.
Compositeur et arrangeur spécialisé dans les chœurs et les orchestres à vent, il multiplie les projets de création avec de nombreux musiciens et ensembles. Sa pièce Saint–Guilhem et le Géant est créée en 2017 à l’Auditorium de Lyon lors du Championnat de France de Brass-Band organisé par la CMF. Il est également compositeur invité du festival « A Brass Ouverts » la même année.
Régulièrement sollicité pour de nouvelles compositions, Benoît BARRAIL poursuit sa carrière de compositeur tout en enseignant l’Éducation musicale et le Chant choral au collège Rosa Parks de Villabé (Essonne) et au Lycée Georges Brassens de Courcouronnes (91). Il est également directeur musical de l’Amicale de Villabé. Il mène dans ces établissements des projets divers autour du chant choral, des percussions, de la musique pour orchestre d’harmonie, et des musiques actuelles.
Benoît BARRAIL
1) L’histoire mal connue qui inspira GÉRICAULT et le compositeur
C’est de l’île d’Aix, voisine de Rochefort, que La Méduse appareille, le 17 juin 1816, vers Saint-Louis, au Sénégal, afin d’y acheminer le nouveau gouverneur et les fonctionnaires nécessaires à la colonie, que l’Angleterre vient de restituer à la France après la restauration de la monarchie. La Méduse quitte la rade d’Aix avec 392 personnes à son bord (équipage, militaires, fonctionnaires, scientifiques et colons), accompagnée de trois autres bâtiments français, formant une escadre commandée par Hugues DUROY DE CHAUMAREYS, noble émigré à la Révolution qui n’a pas navigué depuis 28 ans et qui doit sa nomination au retour des Bourbon sur le trône.
Mais, six jours après le départ, CHAUMAREYS décide de ne pas attendre les autres navires et La Méduse fait voile seule en direction du Sénégal. Vraisemblablement à cause d’une erreur de navigation, la frégate s’échoue le 2 juillet sur le banc de sable d’Arguin, au large des côtes de l’actuelle Mauritanie.
Dès le lendemain, la construction d’un radeau débute et le 5 juillet, le navire est abandonné : 230 personnes, principalement les notables dont CHAUMAREYS et le gouverneur du Sénégal, prennent place dans les canots du bord. 150 autres passagers, majoritairement des soldats, sont entassés sur le radeau qui s’enfonce de près d’un mètre dans l’eau. Il est remorqué par les canots. Rapidement, la remorque est coupée et le radeau livré à lui-même, avec, en tout et pour tout, deux barriques d’eau et cinq de vin. La nuit suivante, vingt hommes meurent, les jambes brisées par les planches du radeau ou emportés par les vagues. Des soldats décident alors d’en finir, s’enivrent et commencent à détruire leur embarcation de fortune. S’ensuivent de violents combats à coups de sabre, qui font 65 morts et de nombreux blessés. Le 7 juillet, les premiers actes d’anthropophagie surviennent, certains rescapés découpant et dévorant les cadavres restés sur le radeau. Tempête, privations, nouveaux combats… le nombre des naufragés se réduit au fil des jours, blessés et malades étant jetés à l’eau pour économiser le peu de vin restant. Le salut n’arrivera que le 17 juillet, deux semaines après le naufrage, lorsqu’un des navires partis de France avec La Méduse, L’Argus aperçoit le radeau : seuls 15 naufragés sont encore en vie.
Cet épisode tragique de l’histoire de la marine inspira, en 1819, le peintre français Théodore GÉRICAULT (1791-1824). Beaucoup connaissent la célèbre toile du peintre Le Radeau de la Méduse exposée au Musée du Louvre mais peu connaissent véritablement son histoire.
2) Une présentation du compositeur
Le poème symphonique débute par la représentation de l’immensité de l’océan : des tenues aux bois se mélangent aux notes SOL MI DO LA jouées par les cuivres solistes, et qui sont les quatre notes que l’on peut associer au nom du peintre (GÉRICAULT). Un thème joué par les cuivres émerge de cette nappe sonore, alternant obstinément sur deux accords et des vagues sont jouées par les bois.
Une deuxième partie, d’un caractère beaucoup plus épique et dynamique, nous fait entendre le début du voyage, la joie et l’excitation de l’aventure maritime. Quelques dissonances aux trombones nous annoncent l’arrivée des ennuis et l’ensablement du navire. La tension devient extrême et aboutit sur un climax faisant alterner les timbales, qui battent inlassablement la pulsation, et l’orchestre.
S’ensuit une partie beaucoup plus calme et angoissante symbolisant l’attente sur le radeau : sur des glissandos de flûtes, ponctués par des claquements du piccolo et des percussions, un thème émerge dans les instruments graves, c’est un thème entêtant et chromatique qui représente la folie qui gagne les passagers et donc, tous les instruments. Il enchaîne avec un passage tribal, au rythme fortement marqué, symbolisant les errements des survivants (dispute, éthylisme, cannibalisme).
Enfin, la dernière partie symbolise l’arrivée de L’Argus. Il y a peu de survivants et la pièce glisse inlassablement vers la nuance pianissimo et vers des sons graves, à l’image du tableau de GÉRICAULT qui est atteint d’un assombrissement irréversible à cause des matériaux utilisés pour le réaliser.
3) Ce que dit le créateur de l’œuvre
Ma collaboration avec Benoît BARRAIL débute il y a quelques années lorsque nous décidons de travailler ensemble sur une création avec l’Orchestre Départemental du Gers dont je suis, à l’époque, le directeur musical. Est née à ce moment une pièce concertante pour saxophone alto solo et orchestre d’harmonie Homo Detritus qui mérite largement le temps de s’y attarder mais ça sera peut-être l’objet d’un futur FOCUS.
Quelques années après, le directeur musical de l’Ensemble Musical de l’Armagnac me contacte et me propose de diriger la nouvelle création qu’il souhaite commander à Benoît BARRAIL. C’est sans réfléchir et sans avoir les tenants et aboutissants du projet que j’accepte, me voici donc à la direction du poème symphonique Le Radeau de la Méduse.
Benoît avait carte blanche sur le thème de la pièce qu’il allait composer, juste pour contrainte une nomenclature, un niveau et un timing. Si j’ai accepté sans hésitation c’est que je connais le travail de Benoît et je n’ai, encore une fois, pas été déçu.
Il y en a pour tous les pupitres, l’écriture est à la fois très lisible et contemporaine. Une danse à la composition très rythmique avec quelque chose de presque tribal malgré les mesures asymétriques. Des couleurs à chercher (et à trouver) pour le pupitre de percussions sur certains passages en réponse à des effets au pupitre de piccolo/flûte. Les cuivres ne sont pas en reste en alternant des tuttis marcato en homorythmie, des notes isolées en soliste ou des thèmes lents et inquiétants.
C’était pour les jeunes musiciens de cet orchestre la première fois qu’ils avaient la possibilité de travailler une création. Leurs retours et ceux du public présent aux différents concerts étaient plus que positifs. Voici quelques mots qui me sont restés en mémoire « Quelle musique… quelle ambiance tout au long du morceau… on s’y croirait » (membre du public) / « C’était génial d’avoir les commentaires du compositeurs sur notre travail » (musicienne) / « C’est la première fois que je joue une musique écrite spécialement pour nous, j’ai adoré » (musicien) / « Avec l’explication du tableau nous plongeons très facilement dans cette œuvre et nous avons l’impression de vivre ce drame en direct » (membre du public).
Je ne saurais donc que conseiller à d’autres chefs d’orchestre de faire jouer cette très belle pièce. Quant à Benoît et moi nous avons pour habitude de nous dire « jamais 2 sans 3 » donc très certainement bientôt, une 3ème création…
Focus présenté par Quentin FERRADOU, percussionniste, directeur musical de l’Orchestre Départemental du Gers, de l’Orchestre Régional d’Harmonie d’Occitanie et de l’Orchestre H2O.
Naufrage de la frégate La Méduse faisant partie de l’expédition du Sénégal en 1816, par Savigny et Corréard, publié à Paris en 1817.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur l’histoire du naufrage de La Méduse et sur l’œuvre de Théodore GÉRICAULT
Présentation par Benoît BARRAIL
Création :
Commanditaire : Ensemble Musical de l’Armagnac
Date : 25 février 2022
Lieu : Cazaubon (32)
Orchestre et chef d’orchestre : Ensemble Musical de l’Armagnac sous la direction de Quentin FERRADOU
Partition :
Pour : Orchestre d’harmonie
Durée : 12 min.
Niveau : Medium
Editeur : Chez le compositeur : contacter par email : benoitbarrail@hotmail.com
Enregistrement réalisé le 19 Mars 2022 à Montréal-du-Gers par l’Ensemble Musical de l’Armagnac sous la direction de Quentin FERRADOU.