
Philharmonies. Les amateurs et la vie musicale française du premier XIXe siècle – Etienne JARDIN

JARDIN Etienne, Philharmonies. Les amateurs et la vie musicale française du premier XIXe siècle
Éditions : Collection Romantismes, éd. Armand Colin
Date de publication : 2020 / 4, n° 190
Nombre de pages : p. 16-25
Présentation
Amateur, voilà un mot qui souvent devient péjoratif lorsqu’il s’adresse au « non-professionnel ». Depuis Rousseau il en est ainsi :
« Celui qui, sans être musicien de profession, fait sa partie dans un concert pour son plaisir et par amour pour la musique. On appelle encore amateurs ceux qui, sans savoir la musique, ou du moins sans l’exercer, s’y connaissent, ou prétendent s’y connaître, et fréquentent les concerts. Ce mot est traduit de l’italien dilettante ». (Dictionnaire de musique, Jean-Jacques Rousseau, 1767)
Nombreux ont été les musiciens amateurs des orchestres d’harmonie et de fanfare à porter avec culpabilité le titre de « musicien amateur » qu’une forme de mépris glisse dans leur oreille à la fin d’un concert où ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Ils n’auraient fait qu’un « travail d’amateur ». Un comble pour celui qui n’a absolument pas l’impression de travailler puisqu’il ne s’agit que de la culture d’un art pour soi-même, pour son seul plaisir (ou presque). Dans sa maxime, Stendhal devient assassin lorsqu’il écrit « Qui dit amateur dit ignorant » (Stendhal, De l’Amour,1822, p. 211.
Petit baume au cœur, si notre amateur a la curiosité d’ouvrir un dictionnaire, il aura sa petite bouffée de sérénité : « Personne qui aime, cultive, recherche (certaines choses). Un amateur de musique » écrit le Robert, ou encore « Personne qui s’adonne à une activité artistique, sportive, etc., pour son plaisir et sans en faire profession, par opposition au professionnel : Faire du théâtre en amateur. » écrit le Larousse.
Une astuce pour éviter le péjoratif, affirmer que l’on est un musicien ou un orchestre non-professionnel ?
Il y aurait donc de bons et de mauvais amateurs. Mais quel rapport cela peut-il avoir avec la philharmonie (avec ou sans majuscule) ?
Le mot philharmonie provient du grec (phile) qui signifie aimer, ami, personne qui aime ; et harmonie qui signifie union, agrément, jonction, mais aussi musique dans une traduction plus récente. C’est pour cela que les salles de concert reprennent le terme de philharmonie, car en son sein, se réunissent les amoureux de la musique.
Une philharmonie est donc un rassemblement de personnes qui aiment la musique. Ces réunions se font au sein de sociétés philharmoniques, une « association musicale d’amateurs ou de professionnels, destinée à donner des concerts » (Larousse). Les orchestres philharmoniques peuvent donc désigner un ensemble issu de cette tradition associative ou qui veut s’affilier à celle-ci. De façon plus pragmatique, il peut aussi s’agir d’une formation qui veut se démarquer d’un ensemble symphonique déjà présent.
Ces associations réunissent beaucoup d’adhérents dont des chanteurs. Ils peuvent jouer des répertoires qui réunissent les deux ensembles, souvent utilisés au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle. Les orchestres philharmoniques sont associés à un répertoire plus moderne que l’orchestre symphonique qui renvoie à un répertoire classique jusqu’aux débuts du romantisme, lorsqu’il commence à s’étoffer.
Étienne Jardin nous invite à revisiter le contexte dans lequel l’amateur de musique s’éloigne du professionnel labellisé.
Patrick Péronnet, 27 décembre 2024
Résumé
Au début du XIXe siècle, la vie musicale des villes françaises se réorganise par le biais de « sociétés philharmoniques ». Fondées par des amateurs, généralement secondés par des musiciens professionnels, ces structures fleurissent sur l’ensemble du territoire. Leur activité est principalement orientée vers le concert — formation d’un orchestre, mise en place d’événements réguliers, choix du répertoire —, mais ne s’y limite pas : elles prennent également la forme de sociétés savantes, publiant mémoires et brochures et encourageant les études musicales.
Héritières des pratiques d’Ancien Régime, les sociétés philharmoniques dessinent aussi un nouveau modèle, en élargissant notamment leur base sociale de recrutement et en se tournant vers des sources de financement autres que le mécénat. Pour comprendre ce mouvement artistique, il faut revenir à la définition même de « l’amateur » en musique.
L’auteur
Directeur de la recherche et des publications du Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française, Étienne Jardin est docteur en Histoire de l’École des hautes études en sciences sociales. Sa thèse portait sur Le conservatoire et la ville : les écoles de musique de Besançon, Caen, Rennes, Roubaix et Saint-Étienne au XIXe siècle (sous la direction de Michael Werner). Ses travaux portent essentiellement sur la vie musicale en France, depuis la Révolution jusqu’au XXe siècle (enseignement, concert et art lyrique). Fondateur de la revue électronique « Transposition. Musique et sciences sociales », il a dirigé plusieurs ouvrages parus chez Actes Sud, Brepols et Peter Lang. Son premier ouvrage personnel, intitulé Exposer la musique. Le festival du Trocadéro (Paris, 1878), est sorti aux éditions Horizons d’attende en 2022.