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La femme qui chante – Benoît DANTIN

La femme qui chante – Benoît DANTIN

La femme qui chante -Benoît DANTIN
pour Orchestre d’harmonie
Benoît DANTIN

Né en 1977 dans une famille de musiciens, Benoît DANTIN apprend la clarinette sous l’égide de son père d’abord puis de sa sœur. Issu des écoles associatives et municipales, il découvre le conservatoire de Grenoble et le basson à l’adolescence. Il quitte son Dauphiné natal pour faire ses études à Aubagne et Marseille, et part s’installer à Tahiti pour enseigner la formation musicale au conservatoire de Papeete. C’est à ce moment-là qu’il commence à composer et à se faire jouer. Il esquissera quelques extraits du premier opéra polynésien Ui no Faaoe, ainsi que sa première grande œuvre, Bosna i Hercegovina, pour grande harmonie, créée en juillet 1999 par Florent BONNETAIN. Il restera 5 ans en Polynésie, où naîtra en 2003 son grand poème symphonique la Danse de Gaïa, et il sera marqué à vie par cette expérience exotique, musicale et humaine.

Après le Pacifique, Benoît DANTIN revient en métropole, à Dunkerque d’abord, puis à Sablé-sur-Sarthe et au Mans. Il saisit l’occasion de partir 3 ans à Ajaccio avant de réintégrer le continent à nouveau, dans les Pays-de-la-Loire. Mais toujours marqué par le voyage, il décide de remonter vers le Nord et travaille au conservatoire de Calais depuis septembre 2023, et donne des cours de formation musicale en ligne à « Notre école de Musique », à Chicago, Illinois depuis septembre 2024.

Il continue à composer, soit des œuvres écrites sans contexte, comme le concerto pour clarinette Rapa Nui, ou l’oratorio Et l’Eternel dit à Moïse, pour chœur de femmes, 2 quatuors et orgue à 4 mains ; soit des commandes, telles que le Concert-toy (suite de danses pour grand toy-piano et quatuor, commande de l’association Pianoctambule pour le festival des 24 Heures piano), les Variations Moléculaires sur la Flûte Enchantée pour basson et trio à cordes, commandées par l’Orchestre de Chambre de Paris, ou bien l’œuvre pour jeune public écrite à deux têtes avec l’auteure et metteure en scène Marine GARCIA-GARNIER : Gilgamesh – mélodies de la mémoire, pour clarinettes changeantes, marimba & multi-percussions et comédienne, basée sur l’Epopée de Gilgamesh, commande de l’Ensemble None ; soit des œuvres qu’il présente à des concours de composition, notamment pour le Concours International de Composition Coups de Vents, dans lequel ses œuvres obtiennent des places de choix en demi-finale en 2015 (Tengerïin Duu – le Chant de Tengri), en finale en 2022 (Incantarius), et le 2ème prix Maurice André en 2018 (Hanbando Bimujangjidae une œuvre qui décrit et dénonce le mur érigé entre les deux Corée).

Héritier de la tradition musicale française à travers les grands maîtres du XXème siècle (Francis POULENC, Paul DUKAS, Maurice RAVEL, Olivier MESSIAEN, Pierre BOULEZ…) Benoît DANTIN est très touché par les drames humains (en témoignent certaines de ses œuvres, comme Nous tournons dans la Nuit et sommes consumés par le Feu pour voix et piano, dédiée aux victimes des attentats de Paris en 2015) mais aussi par la nature et sa contemplation (Visions d’une Corée imaginaire, pour basson, alto et piano) et écrit des essais mêlant humour et poésie dans les Trois Molécules. Les civilisations de toutes les époques et tous les continents le fascinent également : on voit des titres en croate, en tahitien, en coréen, en swahili ou en mongol. Finalement, quelle que soit l’époque dans laquelle on vit ou l’horizon que l’on contemple, Benoît DANTIN écrit une musique à portée pédagogique et humaniste.

Benoît DANTIN

La femme qui chante - Présentation de l'œuvre

1) L’inspiration

Pour écrire La femme qui chante, Benoît DANTIN s’est inspiré du personnage de Nawal Marwan, dans la pièce de théâtre Incendies de Wajdi MOUAWAD. Né en 1968 à Deir-el-Qamar au Liban, Wajdi MOUAWAD est un homme de théâtre, metteur en scène, dramaturge, comédien, directeur artistique, plasticien et cinéaste libano-québécois. Il dirige le Théâtre national de la Colline (Paris) depuis 2016.

Incendies, (coédition Leméac / Actes Sud-Papiers, 2003) est le deuxième volet de la tétralogie Le Sang des promesses amorcée avec Littoral en 1997 et qui sera suivi par Forêts (2006) et Ciels (2009). Sans être autobiographique, l’influence de la vie de l’auteur sur son œuvre est manifeste, notamment en ce qui concerne l’impact de l’expérience de réfugiés de guerre que Wajdi MOUAWAD vécut dans sa jeunesse. Cette pièce contemporaine s’illustre par un récit d’actualité, inspiré notamment de la vie de Souha BECHARA (née en 1967) une militante communiste libanaise arrêtée puis détenue pendant dix ans dans la prison clandestine de Khiam pour avoir tenté d’assassiner le général Antoine LAHD de la milice « Armée du Liban Sud » soutenue par Israël.

Affiche du film Incendies (2010) de Denis VILLENEUVE adapté de la pièce de Wajdi MOUAWAD.

2) La composition musicale

Composée à l’automne 2023, la partition (La femme qui chante) n’est en rien un poème symphonique suivant la dramaturgie de l’œuvre littéraire. Il s’agit plus d’une évocation, d’un climax de la thématique : le chant (la musique) par-delà les tourments pour rester humain dans un monde du désespoir.

Benoît DANTIN use d’un langage musical résolument contemporain utilisant des effets rythmiques et chromatiques dès ses premières mesures (tapement de pied, clusters, notes longues à la discrétion de chacun, trilles, mordants, etc). Une première phrase (choral) annoncée aux cuivres (à A) sert d’introduction à une mélopée à la petite clarinette qui s’achève sur le rappel de la phrase cuivrée. Sur une cellule rythmique répétée (2/4 + 3/8 suivi de 2/4 + 3/8 + 3/8) renforcée par la percussion (bongos et crotale) s’envole le chant du saxophone alto qui devient une litanie répétée quatre fois avec l’appui du piccolo pour les 2e et 4e fois. La phrase des cuivres (choral) revient alors sous forme de rappel mémoriel (4e mesure de F). Une ambiance inquiète s’installe sur des trilles aux clarinette à la note diatonique supérieure (à G).

Introduit par l’euphonium, le saxophone alto entame un nouveau chant, complété par la trompette alors que le piccolo et à la petite clarinette imitent le chant de la rousserolle d’Irak, oiseau typique des terres du Moyen-Orient. Le choral se fait entendre dans une formule 2 hautbois + 2 bassons (à défaut 4 saxophones). La cellule rythmique revient aux cuivres (à J) renforcés par les percussions (bongos, tambour de basque, claves) et se répète (reprise sur 20 mesures). Le thème, élaboré à J est amené par un effet de couleur orchestrale usant des cuivres (trompette, cor) et des bois (saxophone alto et basson) tout en se doublant du choral affirmé par la petite harmonie et le groupe des clarinettes (à L).

Les vingt mesures de L à N sont répétées trois fois dans un son puissant, « assourdissant », à chaque reprise toujours plus fort, plus vite, « dans une sorte de joie délirante ». L’usage de quartolets et septolets dit les interactions entre rythmes binaires et ternaires. Le retour au calme se fait par une phase transitoire en 3/4, confiées aux bois qui déclinent des séries de triples croches (parfois en sextolets) dans un chromatisme descendant de 10 mesures menant au pianissimo, suggérant des chutes d’étoiles dans un ciel surréaliste, ou un paysage qui fond. Le chant de la trompette (à O) s’impose sur ce tissu chromatique descendant, renforcé par l’usage d’une sourdine bol et de vibrato jusqu’au retour du choral  (à Q). Il se solde par un effet de souffle dans les instruments pour signifier le vent, la solitude.

À R, le choral de cuivres usant de sourdines sèches (avec l’indication ca 45” à 60”) laisse la possibilité à chaque musicien de jouer sa partie au tempo qu’il souhaite, mais toujours lentement. Différents accords mezzo piano se superposent les uns aux autres, dans une forme d’atonalité assumée. Ce retour au calme (lento puis moderato) est accompagné d’un dépouillement orchestral. Hautbois et saxophone alto puis basson tentent brièvement et vainement de relancer le thème du chant de la trompette à O. Une forme de réminiscence qui reste en mode suspensif et s’éteint sur les mêmes effets de flûtes entendues en ouverture. La boucle se referme.

Le langage personnel de Benoît DANTIN est ardu et savant. Le compositeur en est parfaitement conscient. Habitué des orchestres d’harmonie, il sait la difficulté potentielle que peut représenter un langage structurel novateur pour des instrumentistes amateurs. Aussi prend-il le soin d’accompagner sa composition de nombreuses explications « techniques » (page 1 du conducteur) et de proposer quatre ossia (passages musicaux alternatifs pouvant être joués à la place de l’original) considérés comme des simplifications langagières, précisément indiquées dans le conducteur. C’est le cas des 5 premières mesures de l’introduction, des deux mesures qui précèdent G, de la phrase énoncée par la petite clarinette et le piccolo à G et du passage qui se développe sur 16 mesures de O à Q, sur le chant final de la trompette vibrato avec sourdine bol.

En fonction des compétences et du sens artistique impulsé par le chef d’orchestre, La femme qui chante s’inscrit dans le registre des œuvres ouvertes ou mobiles, dont chaque exécution est différente. Le compositeur délègue à l’interprète (ici, l’orchestre) certains choix, plus ou moins encadrés : parcours (répétition de mesures, tempo), paramètres du son (attaques, dynamiques, effets, etc.), combinaisons. Les incursions dans le registre du timbre musical sont des plus intéressantes.

Nous ne saurions mieux faire que de recommander vivement cette pièce musicale à tous les orchestres de haut niveau et d’insister pour que le langage « contemporain » (dont une grande part d’héritage date d’il y a plus de cinquante ans !), soit intégré dans une mission éducative et pédagogique auprès des musiciens des ensembles à vent amateurs.

Focus présenté par Patrick PÉRONNET, Docteur en musicologie, août 2024

Création :
En attente de création

Partition :
Pour : Orchestre d’harmonie

Durée : 11 min.
Niveau : Difficile
Editeur : Disponible auprès du compositeur (Téléphone : 06.62.02.36.42, Mail : dantin.benoit@gmail.com)

Pour référer à l’œuvre de Wajdi MOUAWAD et permettre à notre lecteur de s’intéresser à la pièce Incendie, il existe un très intéressant montage réalisé en 2006 au Théâtre 71 – Malakoff pour France Culture avec une présentation de l’auteur. En écoute libre (podcast) :

Extraits du conducteur (avec l'accord du compositeur)