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Ida GOTKOVSKY – 1

Ida GOTKOVSKY – 1

Ida Gotkovsky, la Dame des vents

Le 21 octobre 2023, l’AFEEV organisait en partenariat avec le CRR de Paris une journée d’étude consacrée à l’œuvre pour vents d’Ida Gotkovsky en son hommage et à l’occasion de son 90e anniversaire. A la suite de cet évènement, nous publions son portrait en quatre parties afin de vous permettre de (re)découvrir la Dame des vents ainsi que ses œuvres.

1) Le temps des apprentissages

Ida-Rose Esther Gotkovsky naît le 26 août 1933 à Calais. Le premier temps d’apprentissage, comme pour tout enfant réside dans l’éveil à la vie dans son environnement familial. Son père Jacques ou plutôt Yaker Wolf Gotkovsky (1900-1977) est un musicien d’origine russe exilé en France depuis 1905 à Athis-Mons (Essonne) avec ses parents. Il se pourrait qu’ils fuient alors, sans que nous le sachions avec certitude, la réaction tsariste connue sous le nom de « Massacres d’Odessa » de juin 1905, ou qu’ils fuient le pogrom d’Odessa (14 au 21 octobre 1905), la mère de Yaker étant juive. Violoniste, il joue dans les années 1920 dans des formations de chambre avec Henri et Marius Casadessus puis s’installe un temps à Calais dans les années 1930, devenant professeur à l’École nationale de musique et dirigeant l’orchestre symphonique local de 70 musiciens. Les parents d’Ida se seraient rencontrés lors de concerts. Marié en 1927 à une française d’origine norvégienne, Jeanne Christine Eliasen (1909-1986), elle-même pianiste, il obtient en novembre 1930 la naturalisation française par décret du Président de la République. Le couple aura 5 enfants : Alexis (1931-2000, ingénieur agronome et violoncelliste), Ida (1933), Nell (1939-1997, violoniste), Bruno (1941, ingénieur chimiste et clarinettiste) et Ivar (1948, pianiste et peintre).

Pour Anne Gotkovsky, les exigences paternelles étaient fortes :

« Mon grand-père , que j’ai bien connu puisque j’avais 18 ans lorsqu’il est mort , et que nous avons habité en face de chez eux dans la ferme des Essarts le roi , était un homme autoritaire qui faisait régner une grande rigueur dans la maison. Il était par ailleurs charmant à l’extérieur. J’ai souvenir que mon père Alexis ( 1er prix de violoncelle du CNSMDP) racontait que son père leur donnait le matin , le travail musical pour la journée , exercices de technique , gammes , arpèges, etc. à jouer et transposer dans tous les tons. Même chose avec les morceaux étudiés et idem avec des duos , trios. Il repassait le soir vérifier le travail, après sa journée dans les champs sur les tracteurs , avec les animaux. Il travaillait lui aussi son violon puisqu’il a beaucoup joué et enregistré avec le quatuor Loewenguth pour terminer sa carrière ».

Le Quatuor Loewenguth (entre 1961 et 1967) : de gauche à droite 1er violon : Alfred Loewenguth, 2e violon : Jacques Gotkovsly, violoncelle : Roger Loewenguth et alto : Roger Roche.

Un duo familial: Ida Gotkovsky au piano et sa soeur Nell Gotkovsky au violon

Un autre duo familial: Neil Gotkovsky au violon
accompagnée au piano par Ivar Gotkovsky.

Jacques Gotkovsky et sa femme Jeanne Christine Gotkovsky, à côté du transmetteur (ou télétype) avec lequel on envoyait des nouvelles à Londres pendant la guerre – photo prise en 1965. Archives de Yad Vashem (Institut international pour la mémoire de la Shoa)

La déclaration de guerre entraîne la mobilisation de Jacques Gotkovsky. Il stationne alors à Joinville (Haute-Marne) et en profite pour animer les messes civiles ou militaires et diriger la chorale religieuse. L’Armistice de 1940 semble le libérer de ses obligations militaires. La famille s’installe en 1941 aux Essarts-le-Roi (Yvelinnes). Jacques Gotkovsky rejoint le réseau de résistance « Jean-Marie » fondé par Maurice Buckmaster et intègre les Forces Françaises Combattantes (FFC). Bien que Nell et Ida Gotkovsky aient été très petites, elles se souviennent bien du danger et de l’effroi que représentait le fait de cacher des soldats américains dans la maison et autour de la ferme, parfois dans des trous dans le sol, et de la terreur que suscitait la visite de la Gestapo dans leur maison :

 « Nous, les enfants, apportions de la nourriture aux soldats là où ils étaient cachés, comme si nous allions jouer », dit-elle « Et nous avions un télétype pour recevoir des messages sur l’atterrissage des parachutistes ».

La fouille par les SS de la demeure familiale aux Essarts-le-Roi à l’été 1944 fut vécue par les enfants comme un grand traumatisme. L’Abwehr (les services secrets allemands) disposant de récepteurs radiogoniométriques embarqués qui détectent les liaisons radio, a particulièrement soupçonnée la maison. Les recherches étaient particulièrement actives à la suite d’attentats perpétrés par la Résistance française. Jacques dut son salut à son absence. Quelques jours plus tard ce sont les avant-postes des troupes américaines accompagnés de journalistes qui stationnent dans la ferme familiale. En 1946, Jacques Gotkovsky reçoit l’U.S. Medal of Freedom (médaille de la liberté) des États-Unis pour son activité et la médaille de la Résistance française au titre du Ministère de l’Intérieur.

Dans la série des anecdotes liées à cette période, l’épisode Ernest Hemingway est resté célèbre dans la famille :

« Hemingway est passé par notre maison, et il voulait se précipiter à Paris, pour y être le premier Américain. Mon père lui a dit de ne pas en rêver, qu’il se ferait tuer, et il a enfermé Hemingway – ce qui l’a rendu furieux, mais lui a probablement sauvé la vie. Le lendemain, quand il n’y eut plus de danger, Hemingway parcourut les 45 kilomètres qui le séparaient de Paris ».

La première éducation musicale d’Ida fut donc celle reçue au domicile familial aux Essarts-le-Roi. Si tous les enfants furent « éduqués » à la musique, trois en firent profession ultérieurement : Ida (comme compositrice et pianiste), Nell (violoniste) et Ivar (pianiste).