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Ida GOTKOVSKY – 2

Ida GOTKOVSKY – 2

Ida Gotkovsky, la Dame des vents

Le 21 octobre 2023, l’AFEEV organisait en partenariat avec le CRR de Paris une journée d’étude consacrée à l’œuvre pour vents d’Ida Gotkovsky en son hommage et à l’occasion de son 90e anniversaire. A la suite de cet évènement, nous publions son portrait en quatre parties afin de vous permettre de (re)découvrir la Dame des vents ainsi que ses œuvres.

2) Le 2e cercle : le Conservatoire

Ida est admise au Conservatoire de Paris en 1943, à l’âge de 10 ans. Paris vit alors sous l’occupant. Le Conservatoire a comme directeur Claude Delvincourt (1888-1954) depuis le 15 avril 1941. Ida se souvient des longs et fatigants voyages entre les Essarts-le-Roi et Paris. Les années de Conservatoire seront longues puisque se déroulant de 1943 à 1957. Ces quatorze années passées à fréquenter la rue de Madrid pour travailler le solfège, le piano puis l’écriture, l’harmonie et la composition ont forcément permis à Ida de côtoyer des personnalités fortes et des pédagogues d’exception. Ida Gotkovsky témoigne de ce long processus d’apprentissage.

   « J’ai eu des Maîtres remarquables au Conservatoire national supérieur de musique de Paris : Georges Hugon [classe de solfège puis d’harmonie], Noël Gallon [contrepoint et fugue], Tony Aubin [composition], Olivier Messiaen [philosophie de la musique, puis analyse], Nadia Boulanger [accompagnement]. En classe de piano, j’ai travaillé avec Marcel Ciampi. C’était une grande chance d’avoir de tels maîtres ».

Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, classe de Tony Aubin, 1955. Au rang du pianiste, à gauche de Tony Aubin, Ida Gotkovsky (coll. René Maillard).

Le bagage musical accumulé ne peut être que prometteur. La transmission fut aussi exercée par des pédagogues qui laissaient une parfaite liberté à l’apprenant pour le style musical qu’il souhaitait explorer. Tony Aubin, Olivier Messiaen comme Nadia Boulanger furent en cela des maîtres tutélaires : sévères, exigeants mais ouverts et encourageants.

« Élève de Tony Aubin, Noël Gallon et George Hugon (tous trois étaient des élèves de Paul Dukas), j’appartiens à l’école française, synthèse idéale de l’art musical. Mais j’ai tellement de maîtres que je ne peux pas me référer à un seul en particulier »
Mauricette About, « Rencontre Avec Ida Gotkovsky », Femme Avenir, 1979.

De Tony Aubin (1907-1981), Ida dit qu’il était un pédagogue extraordinaire et un être intelligent, intéressant et intéressé, parlant de tout avec intuition. Elle évoque la liberté de son langage musical et le respect du langage de chacun. L’enseignement de Tony Aubin était également empreint de cet esprit de rigueur et de simplicité, soucieux d’éviter l’inutile, la longueur ou la difficulté technique facilement contournée.

Olivier Messiaen (1908-1992) enseigne au Conservatoire de la rue de Madrid de 1941 à 1978, d’abord comme professeur d’harmonie puis d’analyse en 1947, et enfin de composition en 1966. La fameuse classe du Conservatoire tenue par Olivier Messiaen, devenue quasi mythique, a connu différentes appellations tout en étant principalement consacrée à l’analyse musicale. Sa renommée et son originalité tenaient en premier lieu de son enseignement éclectique et ouvert à tous les styles, époques et cultures – il enseigne aussi bien Mozart et Scarlatti que Wagner, Debussy, Stravinsky et Boulez (sans oublier ses propres œuvres), le plain-chant médiéval, la métrique grecque, le gamelan balinais et les déci-talas de l’Inde. Alain Louvier résume parfaitement l’enseignement du maître : « À sa classe comme dans sa musique, Olivier Messiaen faisait montre d’un esprit universel, curieux de tout […]. [Il] ouvrait des fenêtres […] sur le Moyen-Âge […], l’Inde ou le Japon, mais il replaçait la musique à la confluence d’un nouveau Quadrivium, constellations des arts et des sciences de la connaissance ».

Ida sera fortement imprégnée de ce personnage qu’elle décrit comme rêveur, parlant peu mais qui racontait des choses en marchant lorsqu’on le raccompagnait chez lui au 77, rue des Plantes. Elle dit encore aimer sa musique. Il est incontestable que la Maître eut, pour Ida, une influence réelle dans l’art de la composition qu’elle soit assumée ou inconsciente.

1960 : classe d’analyse musicale d’Olivier Messiaen (au piano). Debouts, de g. à dr. : Jean-Louis Petit, François Bayle, Alain Périer (auteur en 1979 d’un ouvrage sur son professeur, paru chez Seuil/Microcosmes), X, X, Ida Gotkovsky, X, X, X, X.

Sans doute, le passage d’Ida Gotkovsky, dans la classe de Nadia Boulanger (1887-1979), au Conservatoire, a-t-il marqué plus profondément la jeune femme que celui reçu dans la classe d’Olivier Messiaen pour son aspect affectif. Pourtant Ida dit de Mademoiselle qu’elle était une femme dure et « impitoyable », lorsqu’elle sentait l’impréparation de ses élèves. Son « œil terrible » pouvait engendrer une certaine crainte, mais, se remémorant le travail sur le Sacre du printemps de Stravinsky, Ida reconnaît l’art qu’avait Nadia Boulanger pour pister, au cœur de la partition, toutes les énigmes compositionnelles que devaient résoudre les élèves par eux-mêmes à force de questions pertinentes.

Si Mademoiselle impressionne la fragile Ida, il y a un attachement dû peut-être aux origines russes communes aux deux femmes, cette russophilie profonde ou à une fascination face au charisme de cette femme mûre que fut Nadia Boulanger, toujours impeccable et profondément attachée à l’œuvre de Lili, sa sœur, décédée trop tôt. Il y a sans doute aussi une part d’admiration pour l’exigence que cette maîtresse femme s’appliquait à elle-même qu’Ida décrit avec « un œil terrible » et la figure féminine qu’elle incarne dans des temps où le milieu musical s’ouvre avec difficulté aux femmes de talent. Sans être vraiment membre de la Boulangerie, la correspondance échangée entre elles montre plus un extrême respect de la part d’Ida qu’une affection débordante dont Nadia Boulanger semble peu coutumière. Ida Gotkovski en retire un principe. Elle sera compositeur et non compositrice : tout un symbole.

À l’âge de 23 ans, Gotkovsky reçoit le premier de vingt-trois prix et mentions pour ses compositions. Parmi ces distinctions prestigieuses figurent le Prix Lili Boulanger en 1967, un prix décerné aux « compositeurs au talent et au potentiel exceptionnels », le Prix Blumenthal en 1958, une bourse destinée aux « jeunes artistes français prometteurs » et la Médaille de la Ville de Paris en 1966. « Le jury du Grand Prix musical de la Ville de Paris, s’est réuni, le vendredi 3 juin 1966, à la “Schola Cantorum”, 269, rue Saint-Jacques à Paris (5e) sous la présidence de Mme Monique Humbert, vice-présidente du Conseil municipal. Après audition des œuvres sélectionnées au cours d’une séance précédente, le prix a été décerné à Mme Ida Gotkovsky pour son opéra Le rêve de Makar ».

Ainsi se referment ces deux cercles de formation comme aime à le rappeler Ida :

  « J’ai appris à connaître les plus grandes œuvres musicales dès mon enfance, dans une famille de musiciens qui m’a enseigné discipline et rigueur. À cela s’ajoutent les maîtres prestigieux qui ont su guider en toute compétence et autorité une vie consacrée à la musique ».

Le temps de la vie et de la création est venu…